Cinéma et émotions esthétiques (atelier n°23)

Le cinéma reste un extraordinaire producteur d’émotions esthétiques au même titre que la musique ou la peinture. Toutefois, la singularité du septième art tient en sa capacité à impliquer en même temps différentes expressions artistiques en fonction d’une intention précise. Grâce à la magie du cinéma, le spectateur passe ainsi de la terreur à la pitié, de la compassion à l’admiration. Les films lui permettent de se confronter à la palette de ses émotions.

L’atelier se propose de travailler sur différences séquences cinématographiques, qu’elles relèvent de films d’auteurs ou populaires, francophones ou en langue originale traduite. L’objectif étant de verbaliser ses propres émotions avant de chercher à comprendre comment l’art cinématographique parvient à les susciter. Le corpus de référence sera discuté avec les étudiants en fonction de leurs goûts, de leurs envies et de leur culture cinématographique qui, précisons-le, n’a pas besoin d’être encyclopédique.

Responsables de l’atelier : Antony Soron

Intervenants : Antony Soron et Éric Hoppenot

Partenaires : La Cinémathèque, cinéma Saint André des Arts

Restitution : Les étudiants devront concevoir un très court métrage visant à susciter les émotions des spectateurs en combinant différentes expressions artistiques

Sites concernés : INSPÉ Molitor et sites partenaires

Jour de la semaine : lundi à partir de 17h00

Format : Séances de 3 heures sur l’année

Léa Bouquet, La Corrida

Dans cette vidéo, j’ai choisi de mettre en lien différentes oeuvres : le ballet Boléro de Maurice Béjart, la pièce Rhinocéros d’Eugène Ionesco, le tableau La mort du torero de Pablo Picasso, le roman 1984 de George Orwell ainsi que l’adaptation cinématographique de Michael Radford, le film Rocky IV de
Sylvester Stallone, les Etudes pour une corrida de Francis Bacon, le poème Histoire d’un taureau de Robert Desnos et la chanson La Corrida de Francis Cabrel.
Le point de départ de ma réflexion était le Boléro de Maurice Béjart. Cette pièce, que j’ai eu la chance de voir il y a une dizaine d’années, m’a beaucoup touchée : je me rappelle de la force qui s’en dégageait. Mais ce ballet révélait aussi une forme d’angoisse, comme si l’Homme restait finalement éternellement seul face à une société, qui cherchait continuellement à le happer, à l’influencer. Les œuvres de Ionesco, d’Orwell, de Radford et de Stallone s’inscrivent à mon sens très bien dans cette idée. Cette solitude se retrouve aussi dans l’arène, lorsque le taureau est seul face au torero. Il sait que la mort l’attend et il semble difficile, sinon impossible, d’échapper à la fatalité. Ce sentiment se retrouve dans les œuvres de Picasso, de Cabrel, de Bacon et de Desnos. Assemblées ensemble, ces productions se répondent et dénoncent d’une même voix la cruauté humaine, vis-à-vis des autres hommes et des animaux. Le rouge et le noir sont volontairement omniprésents dans cette vidéo, présages de violence et de mort.

Naomie Tasset, Ma sagesse est aussi dédaignée que le chaos

La Victoire de Samothrace est une sculpture de l’époque hellénistique retrouvée au nord de la mer d’Egée, sur l’île de Samothrace. C’est un monument votif à l’image de la déesse de la victoire Niké. Exposée au musée du Louvre, elle se compose d’une base en forme de proue de navire et d’un corps de femme ailé sans bras ni tête, haut de 2m75, 5m12 en comptant sa base. Il s’agit de ma sculpture préférée au Louvre depuis des années et elle m’a toujours emplie d’une profonde admiration teintée d’une certaine tristesse. Tout en elle appelle le respect, sa taille, son nom, même sa place dans le musée. Elle évoque la gloire de la victoire, la puissance, la supériorité. Sa féminité à demi révélée par son vêtement rappelle avec sensualité que toute cette force, toute cette gloire, revient à la femme qu’elle est. Pourtant, elle n’est pas entourée de ses pairs de marbre, elle est isolée entre des escaliers, dans un lieu transitoire qui la condamne à une inéluctable solitude. Les visiteurs ne peuvent que difficilement s’arrêter pour la contempler en profondeur, ils ne voient rien d’autre que sa force et sa nudité. Cette dualité ignorée, par la force des choses ou par choix, a présidé à la réalisation de ma production. Inspirée par la Victoire de Samothrace, j’ai voulu mettre en lumière la complexité de l’expérience de femme, sa force, sa féminité, sa souffrance. C’est à la fois une composition personnelle et engagée qui s’efforce de donner une voix à Niké, au prix si aisément oublié de toute victoire d’une femme dans notre société.