Cinéma, stimulateur d'une curiosité pour l'art (atelier n°22)

L’atelier se propose d’investir le champ artistique par le biais du point de vue cinématographique. Après contextualisation de l’œuvre d’où elles sont extraites, seront soumises aux étudiants différentes séquences filmiques impliquant soit une œuvre d’art, soit un artiste en action. Il s’agira d’apprécier la corrélation qui s’établit entre l’œuvre « sujet » de l’intrigue et la façon dont le réalisateur l’investit selon des intentions narratives ou esthétiques.

Responsables de l’atelier : Antony Soron, MCF HDR lettres INSPE Paris, Eric Hoppenot, PRAG lettres INSPE Paris

Intervenants : réalisateurs de films

Partenaires : musée du Louvre, musée d’Art Moderne.

Restitution : Les étudiants devront eux-mêmes concevoir un montage vidéo à partir d’une œuvre d’art de leur choix. Leur production audio-visuelle à destination du public de l’atelier visera à rendre compte d’une façon personnelle de la façon dont l’œuvre les a inspirés.

Lieu : site INSPE Molitor

Période : seconde partie de l’année.

Format : séance de 3 heures

Léa Bouquet, La Corrida

Dans cette vidéo, j’ai choisi de mettre en lien différentes oeuvres : le ballet Boléro de Maurice Béjart, la pièce Rhinocéros d’Eugène Ionesco, le tableau La mort du torero de Pablo Picasso, le roman 1984 de George Orwell ainsi que l’adaptation cinématographique de Michael Radford, le film Rocky IV de
Sylvester Stallone, les Etudes pour une corrida de Francis Bacon, le poème Histoire d’un taureau de Robert Desnos et la chanson La Corrida de Francis Cabrel.
Le point de départ de ma réflexion était le Boléro de Maurice Béjart. Cette pièce, que j’ai eu la chance de voir il y a une dizaine d’années, m’a beaucoup touchée : je me rappelle de la force qui s’en dégageait. Mais ce ballet révélait aussi une forme d’angoisse, comme si l’Homme restait finalement éternellement seul face à une société, qui cherchait continuellement à le happer, à l’influencer. Les œuvres de Ionesco, d’Orwell, de Radford et de Stallone s’inscrivent à mon sens très bien dans cette idée. Cette solitude se retrouve aussi dans l’arène, lorsque le taureau est seul face au torero. Il sait que la mort l’attend et il semble difficile, sinon impossible, d’échapper à la fatalité. Ce sentiment se retrouve dans les œuvres de Picasso, de Cabrel, de Bacon et de Desnos. Assemblées ensemble, ces productions se répondent et dénoncent d’une même voix la cruauté humaine, vis-à-vis des autres hommes et des animaux. Le rouge et le noir sont volontairement omniprésents dans cette vidéo, présages de violence et de mort.

Naomie Tasset, Ma sagesse est aussi dédaignée que le chaos

La Victoire de Samothrace est une sculpture de l’époque hellénistique retrouvée au nord de la mer d’Egée, sur l’île de Samothrace. C’est un monument votif à l’image de la déesse de la victoire Niké. Exposée au musée du Louvre, elle se compose d’une base en forme de proue de navire et d’un corps de femme ailé sans bras ni tête, haut de 2m75, 5m12 en comptant sa base. Il s’agit de ma sculpture préférée au Louvre depuis des années et elle m’a toujours emplie d’une profonde admiration teintée d’une certaine tristesse. Tout en elle appelle le respect, sa taille, son nom, même sa place dans le musée. Elle évoque la gloire de la victoire, la puissance, la supériorité. Sa féminité à demi révélée par son vêtement rappelle avec sensualité que toute cette force, toute cette gloire, revient à la femme qu’elle est. Pourtant, elle n’est pas entourée de ses pairs de marbre, elle est isolée entre des escaliers, dans un lieu transitoire qui la condamne à une inéluctable solitude. Les visiteurs ne peuvent que difficilement s’arrêter pour la contempler en profondeur, ils ne voient rien d’autre que sa force et sa nudité. Cette dualité ignorée, par la force des choses ou par choix, a présidé à la réalisation de ma production. Inspirée par la Victoire de Samothrace, j’ai voulu mettre en lumière la complexité de l’expérience de femme, sa force, sa féminité, sa souffrance. C’est à la fois une composition personnelle et engagée qui s’efforce de donner une voix à Niké, au prix si aisément oublié de toute victoire d’une femme dans notre société.